Texte de présentation de l’exposition « Les territoires de l'ordinaire », Fondation d’Art Contemporain Espace Ecureuil, Toulouse, mars-avril 2012.
Qu’on habite en ville ou aux abords de celle-ci, un appartement dans un immeuble cossu, dans une barre d’immeubles ou encore une maison à la campagne … Hortense Soichet photographie chez les gens ; leur intérieur, comme on dit. Cela ne ressemble absolument en rien aux photos de ces magazines de décoration qui rencontrent beaucoup de succès aujourd’hui. Car ici, il n’est pas question de rendre compte de la décoration des murs, mais d’interroger le fait d’habiter un espace.
Habiter, cela veut dire deux choses. Prosaïquement, avoir un toit sur la tête. J’habite … suit une adresse, un numéro, une rue, une ville. Mais habiter, c’est aussi tout autre chose. C’est investir, s’investir, donner de soi ; habiter les lieux, leur donner une âme. Curieusement, c’est la rigueur même du protocole d’Hortense qui laisse percevoir cet habiter-là, celui du supplément d’âme.
Le protocole est le suivant : une rencontre préalable avec l’habitant, une conversation, des mots échangés sur cet habitat, ce territoire approprié, quand ? comment ? … une conversation à bâton rompu. Puis les prises de vue. Toujours plusieurs, plusieurs pièces, plusieurs points de vue, parfois, ce que l’on voit d’une fenêtre, photographier la pièce, sans trop s’approcher des détails. Et enfin, rendre compte. A chaque zone photographiée (un quartier, une zone rurale, une cité …), une restitution à la forme différente, une phrase, du son, des images …
De ces restitutions, deux axes sont évoqués ici, au sein d’une même image.
Le logement en tant que question sociale est présent. Des restitutions de paroles, des détails de murs délabrés nous percevons une politique du logement. La Goutte d’Or est une ZUS, bénéficiant du PNRU, il y a aussi des ZFU, des ZRU … Autant de petits raccourcis abruptes qui disent qu’il n’y a hélas pas d’évidence à être bien logé en France aujourd’hui.
Et l’image montre aussi le logement intime. Lorsque le social devient le privé, lorsque l’habitant prend possession de l’habitat, lorsque la photographie parle de l’individu.
L’habitat est le prolongement de soi, une forme enveloppante et aussi une extension du je, un abri physique et psychologique. Les images d’Hortense Soichet nous donnent à voir aussi cette construction de soi.
Au delà des murs, la rue, le quartier, la ville. Etre là quelques mois ou des années, vouloir partir, vouloir rester. Que nous soyons nomades ou sédentaires, nous habitons. C’est cela que les photographies d’Hortense Soichet nous racontent.
Une dernière chose, la présence de l’habitant, ici, est en creux. Il y a ses mots, mais pas son image, point de portrait. C’est de cette absence que naît notre place de spectateur. Nous pouvons ainsi, à notre tour, habiter les lieux. En prendre possession par le regard, par la projection, par empathie ou sympathie. En creux aussi, peut-être, en tous les cas, ici je pense à eux, les sans abris.
Sylvie Corroler-Talairach
Qu’on habite en ville ou aux abords de celle-ci, un appartement dans un immeuble cossu, dans une barre d’immeubles ou encore une maison à la campagne … Hortense Soichet photographie chez les gens ; leur intérieur, comme on dit. Cela ne ressemble absolument en rien aux photos de ces magazines de décoration qui rencontrent beaucoup de succès aujourd’hui. Car ici, il n’est pas question de rendre compte de la décoration des murs, mais d’interroger le fait d’habiter un espace.
Habiter, cela veut dire deux choses. Prosaïquement, avoir un toit sur la tête. J’habite … suit une adresse, un numéro, une rue, une ville. Mais habiter, c’est aussi tout autre chose. C’est investir, s’investir, donner de soi ; habiter les lieux, leur donner une âme. Curieusement, c’est la rigueur même du protocole d’Hortense qui laisse percevoir cet habiter-là, celui du supplément d’âme.
Le protocole est le suivant : une rencontre préalable avec l’habitant, une conversation, des mots échangés sur cet habitat, ce territoire approprié, quand ? comment ? … une conversation à bâton rompu. Puis les prises de vue. Toujours plusieurs, plusieurs pièces, plusieurs points de vue, parfois, ce que l’on voit d’une fenêtre, photographier la pièce, sans trop s’approcher des détails. Et enfin, rendre compte. A chaque zone photographiée (un quartier, une zone rurale, une cité …), une restitution à la forme différente, une phrase, du son, des images …
De ces restitutions, deux axes sont évoqués ici, au sein d’une même image.
Le logement en tant que question sociale est présent. Des restitutions de paroles, des détails de murs délabrés nous percevons une politique du logement. La Goutte d’Or est une ZUS, bénéficiant du PNRU, il y a aussi des ZFU, des ZRU … Autant de petits raccourcis abruptes qui disent qu’il n’y a hélas pas d’évidence à être bien logé en France aujourd’hui.
Et l’image montre aussi le logement intime. Lorsque le social devient le privé, lorsque l’habitant prend possession de l’habitat, lorsque la photographie parle de l’individu.
L’habitat est le prolongement de soi, une forme enveloppante et aussi une extension du je, un abri physique et psychologique. Les images d’Hortense Soichet nous donnent à voir aussi cette construction de soi.
Au delà des murs, la rue, le quartier, la ville. Etre là quelques mois ou des années, vouloir partir, vouloir rester. Que nous soyons nomades ou sédentaires, nous habitons. C’est cela que les photographies d’Hortense Soichet nous racontent.
Une dernière chose, la présence de l’habitant, ici, est en creux. Il y a ses mots, mais pas son image, point de portrait. C’est de cette absence que naît notre place de spectateur. Nous pouvons ainsi, à notre tour, habiter les lieux. En prendre possession par le regard, par la projection, par empathie ou sympathie. En creux aussi, peut-être, en tous les cas, ici je pense à eux, les sans abris.
Sylvie Corroler-Talairach